A History of the Ministry of Information, 1939-46
1. - TOUJOURS A PROPOS DU DISCOURS RIBBENTROP
La propagande allemande se donne “un mal fou” pour nous expliquer que le discours de von Ribbentrop et les “revelations” du nouveau LIVRE BLANC allemand ont fait dans le monde entier la plus grande sensation. Mais le D.N.B. pourrait difficilement parvenir a citer les extraits des plus grands journaux neutres qui fussent favorables a la these allemande. Aussi se contente-t-il d'affirmer purement et simplement, qu'il s'agisse de l'Italie ou de la Bulgarie, de la Belgique ou de la Hollande, du Danemark(!) ou de tel pays de l'Amerique du Sud, que le discours du ministre des affaires Etrangeres du Reich a fait “la plus grande impression”. On notera que, dans notre enumeration, figure le Danemark; est-il besoin de rappeler que les nazis ont aussi bien mis la main sur les journaux danois qu'ils l'ont fait sur les stocks de produits alimentaires et de carburant. Et lorsque le D.N.B. peut, triomphalement, citer un extrait de journal, un bref examen permet de se rendre compte qu'il s'agit ou bien d'un organe notoirement a la solde de la propagande allemande ou, comme c'est le cas par exemple pour l'Argentine, de “feuilles de chou” ignorees de tout le monde.
D'ailleurs, meme en Italie, ou cependant sur ce discours de von Ribbentrop, s'affirme une fois de plus cette solidarite de presse germano- italienne, l'opinion qui avait clairement, avant-hier, manifeste sa deception devant l'inconsistance des affirmations du ministre des Affaires Etrangeres du Reich, continue de se mefier: on ne comprend pas, en particulier, que von Ribbentrop n'ait fait aucune difference entre le Danemark et la Norvege; si en effet le chef de la diplomatie nazie a pretendu justifier l'entree des Allemands en Norvege comme une contre-manoeuvre a de sombres pretentions des Allies, il n'a pas explique, ou plutot il n'a pas pu expliquer l'agression contre le Danemark, auquel, en fin de compte, le Reich n'avait rien a reprocher.
Pendent ce temps, la propagande de Goebbels distille au compte-gouttes le contenu de ce Livre Blanc , dont le D.N.B. fait connaitre chaque jour un ou deux des documents consideres comme essentiels par la propagande allemande.
Ceux dont il a ete fait etat hier, concernant principalement un soi- disant plan d'operation saisi sur un officier britannique fait prisonnier et des rapports du Consul de Grande-Bretagne a Narvik ou de l'attache naval francais a Oslo. Les renseignements que l'on y trouve et qui ont trait soit a la tactique des debarquements, soit a la dimension ou aux possibilites de certains quais ou appontements a Narvik ou a Trondhjem, ne peuvent en tous cas, a aucun moment, prouver la premeditation de l'occupation de la Norvege par les Allies, que von Ribbentrop pretend avoir demontree.
Ce n'est en effet un secret pour personne que, lorsque les Allies deciderent d'etre prets a repondre a un appel eventuel du gouvernement finlandais, toutes etudes furent faites et toutes dispositions furent prises pour un debarquement sur les cotes norvegiennes, etant bien entendu que l'accord prealable des gouvernements d'Oslo et de Stockholm commandait toute 1’operat on. Leur refus ne le permit pas. A cet egard, les declarations faites a un representant de la United Press par M. Hambro, President du Storting norvegien, ne laissent place a aucun doute. L'eminent homme d'Etat norvegien a en effet remarque que presque tous les documents invoques par Ribbentrop datent du debut de janvier ou de fevrier, et qu'a cette epoque, il connaissait comme n'importe qui la declaration des Allies, disant qu'ils avaient un plan pour l'execution de leur offre d'envoyer des troupes a l'aide de la Finlande, et qu'il etait egalement public que les Britanniques ne pouvaient executer ce plan qu'en utilisant les ports norvegiens et que cela 128 - 2 -ne leur fut jamais permis puisque la Norvege refuse, strictement respectueuse de sa neutralite, de se preter a ces debarquements.
Ainsi, les declarations allemandes ne prouvent rien qui n'ait ete oonnu de tout le monde.
Aussi bien, peut-on souligner la difference d'attitude - puisque von Ribbentrop a pretendu les mettre en cause - entre les agents anglais ou francais et les agents allemands. Certes, on peut citer tel rapport d'un Consul ou d'un attache naval, qui ne faisait la que faire son metier, mais il faudrait en meme temps rappeler la singuliere action de l'attache de l'air allemand a Oslo qui non seulement prepara a l'avance le materiel de signalisation devant etre utilise lors du debarquement allemand a Oslo, mais guida lui-meme les troupes d'agression jusqu'aux points de concentration.
De cette premeditation allemande, les declarations du president Hambro, auxquelles nous faisions allusion tout a l'heure, nous apportent de nouvelles preuves qu'il serait utile d'exploiter largement: les temoignages des pilotes norvegiens, des surveillants de ports, ou d'autres personnes en rapport avec la navigation marchande, sont formels: les navires allemands qui debarquerent les troupes d'occupation avaient quitte les ports allemands plus d'une semaine avant le 9 avril; on connait des cas dans lesquels les soldats allemands sortirent, armes et equipes, des navires qui se trouvaient dans les ports quatre ou cinq jours avant l'invasion. Un exemple typique est fourni par le cas de cebaleinier de 11,000 tonnes qui amena le gros des forces d'occupation de Narvik et qui fut ancre dans les eaux territoriales norvegiennes au nord de Harstad, le matin du 8 avril , c'est-a-dire avant meme que les mines alliees, auxquelles von Ribbentrop a pretendu que l'action allemande etait une riposte, eussent ete posees. Un autre exemple: le navire allemand Wellen qui entra dans le port de Narvik, la nuit qui a precede l'attaque allemande, s'etait presente sous pavillon americain .
Chaque jour apporte ainsi des attestations nouvelles de la premeditation allemande.
Si, comme l'affirme le D.N.B., le discours Ribbentrop a “fait sensation a l'etranger”, c'est vraiment parce que personne n'y a cru, parce que le mensonge est trop patent.
II. - LA SITUATION EN NORVEGE
On ne saurait trop recommander, une fois de plus, a la presse de faire preuve de la plus grande prudence dans la publication de comptes-rendus des operations en Norvege. Il convient d'eviter avec soin toute indication de lieux qui pourrait fourni a l'ennemi en renseignement sur nos intentions et lui permettre d'eviter l'effet de la surprise par une riposte appropriee.
Dans l'appreciation des operations actuelles, qui ne sont, pour une tres large part, que des actions de decouverte, dans liens entre elles, on ne doit pas oublier que seuls des detachements de faible importance ont ete engages.
Il faut insister sur la difficulte que represente une operation de debarquement, non seulement d'hommes mais de materiel et plus specialement de materiel lourd. Il a d'abord fallu, des le debarquement des unites, pousser des elements legers aussi loin que possible pour rechercher le renseignement et prendre le contact de l'ennemi. Ce but atteint, et sur la base des renseignements recueillis, le gros dos forces se met en place. Et ce n'est qu'a la suite de ces actions distinctes menees par des elements mobiles, le long des voies de communications, et dans un delai qui depend des circonstances locales de combat, que des portions de front pourront se dessiner, sur lesquelles on ne peut evidemment faire, a l'heure actuelle, aucune prevision.
L'horaire meme d'un debarquement implique que les detachements lances a la de-[illegible]erte, ne peuvent encore disposer que de materiel leger. Il en resulte une disproportion dans la puissance des moyens que nous pouvons mettre en oeuvre vis-a-vis de ceux dont disposent actuellement les troupes allemandes. Cette disproportion inevitable dans les premiers temps d'un debarquement, conduit a adopter certaines formes d'action; elle est la rancon des avantages que les Allemands se sont assures en arrivant les premiers en Norvege apres une longue et minutieuse preparation et en garantissant, par la tra[illegible]n et le sabotage, l'acces des grands ports norvegiens a leurs cargos, des le premier jour de l'invasion.
El l'on trouve la encore une nouvelle preuve de la mauvaise foi systematique de von Ribbentrop et de la propagande allemande. Ainsi que l'a rappele M. Hambro dans l'interview a laquelle nous nous sommes referes, la meilleure preuve que les Allies n'e-taient pas prets a debarquer des troupes en Norvege au moment de l'attaque allemande, c'est que les premiers elements anglais de debarquement sont arrives seulement neuf jours apres que les troupes allemandes se fussent etablies sur le sol norvegien.
Mais ce qu'il faut souligner aujourd'hui, et ce qui est la preuve que les debarquements continuent malgre l'aviation allemande, c'est que celle-ci se heurte maintenant a un systeme de defense aerienne auquel participent les unites terrestres et les batiments de guerre. Certains objectifs qui avaient ete attaques a plusieurs reprises par l'aviation allemande au debut des operations, n'ont pluspu etre abordes par elle depuis quatre jours. En outre, l'aviation de chasse alliee commence a intervenir dans la bataille aerienne d'une maniere efficace, ainsi qu'en temoignent les pertes allemandes de ces derniers jours.
III. A PROPOS DE LA POLICE DU DANUBE .
On sait qu'il y a quelques jours, le bruit courut que la Hongrie prenait l'initiative de remettre en question le recent accord de Belgrade, par lequel les Etats riverains du Danube, de la frontiere allemande a la mer Noire, decidaient que chacun de ces pays assurorait lui-meme la police sur les parties du fleuve qui sont sous sa juridiction.
Vendredi soir, la nouvelle fut dementie et samedi apres-midi, le ministere hongrois des Affaires etrangeres faisait connaitre par un communique que, tout en adherant a la resolution finale de la conference danubienne de Belgrade du 17 avril, la Hongrie se reservait le droit de faire des “propositions complementaires”. Celles-ci ont trait au secteur du Danube, long d'environ 120 kms et nomme “secteur des portes de fer et des cataractes”, s'etandant de Moldonoa a Tournu-Severin, sur lequel la Hongrie revendiquait, pour la duree de la guerre, un controle collectif de tous les Etats danubienn. Le pretexte invoque etait l'incident demusurement grossi par la propagande allemande de la saisie, par les autorites roumaines, d'une peniche britannique, a bord de laquelle furent uniquement trouves quelques revolvers. A ce moment, l'Allemagne avait laisse entendre qu'elle etait disposee a se charger olle-meme de la police du Danube et a engager sur ce point avec les Etats riverains des conversations qualifiees “d'amicales”. Les conversations n'ourent pas lieu et ce fur l'accord de Belgrade.
Voici qu'aujourd'hui le gouvernement de Budapest prend l'initiative de remettre en cause les bases memes de l'accord. Plus encore, la proposition hongroise permettrait aux canonnieres du Reich de jouer un role aux portes de fer, dont l'interet strategique et economique n'est pas a souligner. Budapest se defend d'avoir agi sous la pression de l'Allemagne, mais il ne semble pas que dans les autres capitales danubiennes on se fasse la moindre illusion. On ne s'y soucie pas de voir livrer a la penetration allemande une partie du cour du Danube. Aussi bien, si la Bulgarie a reserve sa reponse, si celle de la Slovaquie, pour des raisons evidentes, n'a aucune importance, il reste que la Roumanie et la Yougoslavie ont, en plein accord, rejete les suggestions hongroises. Dans leurs reponses, elles font remarquer que si l'on suivait le gouvernement de Budapest, il s'agirait de renverser les principes memes de l'accord de Belgrade et que, en admettant dans leurs eaux nationales des batiments de guerre de puissances belligerantes, les Etats riverains sortiraient de leur neutralite. Il semble bien que cette fin de non-recevoir opposee par Bucarest et Belgrade aux propositions hongroises doive consacrer l'echec de cette nouvelle tentative de l'Allemagne pour s'assurer le controle d'une partie du Danube.
Mais il est bien probable que Berlin n'abandonnera pas pour autant la partie et que nous le reverrons bientot, sous une forme ou sous un autre, reposer la question. Pour les Allies, qui attachent le plus haut prix a la sauvegarde de la neutralite et de l'independance des pays que le conflit a epargnes, la reaction des gouvernement roumain et yougoslave apparait comme particulierement sage. Elle exprime, a n'en pas douter, l'opinion, sinon de tous les gouvernements, du moins de tous les peuples du sud-est europeen.